Résumé de la recherche préliminaire :
Ce projet succède à nos travaux précédents qui s’intéressaient au document de travail sur l’obligation constitutionnelle à consulter (Hughes et Stewart : 2015) ainsi qu’aux travaux du Conseil des peuples autochtones du Nouveau-Brunswick sur les besoins de représentation et sur les aspirations des populations autochtones hors réserve au Nouveau-Brunswick, document qui s’intitulait « Représentation des Autochtones non inscrits et hors réserve au Nouveau-Brunswick » (traduction libre) (Hughes, Plummer et Stewart : 2015).
Dans notre document de travail, nous avons relevé, dans la jurisprudence et dans les pratiques gouvernementales, trois entraves à l’exercice de l’obligation à consulter lorsque cela se fait à l’avantage des populations autochtones en milieu urbain : un souci des droits reliés au territoire et aux ressources, le flou entourant le statut juridique de l’identité autochtone de nombreux Autochtones vivant en milieu urbain et finalement, le peu de sensibilité de l’appareil étatique et judiciaire et son faible désir à collaborer avec des organismes chefs de file en politique ou avec des organismes de prestation de services sociaux aux Autochtones vivant en milieu urbain. Nous avons également remarqué qu’une proportion importante des besoins de consultation d’Autochtones vivant en milieu urbain et des organismes qui les servent, est reliée à des questions juridiques qu’on peut classer grosso modo comme des droits positifs, notamment en matière de santé, d’emploi, d’exercice d’une sensibilité culturelle pour la prestation de services de garde d’enfants, de soutien à la vie en communauté, de soins aux aînés, etc.
À la section 35, par. 4 de la Loi constitutionnelle de 1982, on peut lire que « les droits – ancestraux ou issus de traités – visés au paragraphe (1) sont garantis également aux personnes des deux sexes. » Or, cette section est en quelque sorte restée lettre morte. S’il est vrai que la Cour suprême du Canada a créé une abondante jurisprudence au sujet des droits des Autochtones et des droits issus de traités, y compris en rendant antécédants les droits procéduraux à la consultation et à l’accommodement, à la reconnaissance réelle de ces droits, on a avantagé exclusivement les populations vivant sur les réserves pour les questions territoriales et pour l’utilisation des ressources qui s’y trouvent. Les populations hors réserve n’ont pas profité d’une telle reconnaissance de leurs droits socioéconomiques, culturels et linguistiques. L’évolution asymétrique de la loi a touché différemment les femmes autochtones et les descendants des couples mixtes dont la mère n’est pas Autochtone.
Objectifs de recherche :
Notre recherche vise à comprendre l’effet du sexe sur l’obligation à consulter. Nous voulons déterminer si l’obligation à consulter, dans l’état actuel de la jurisprudence, est sexiste. Les femmes autochtones vivant en milieu urbain décrient depuis longtemps que le gouvernement s’engage principalement à représenter les intérêts des populations vivant dans les réserves, ainsi que ceux des organismes à prédominance masculine. Dans l’ensemble, les tribunaux ont fait la sourde oreille par rapport à ces doléances. Leur inaction s’explique en partie par le manque de preuves. Dans la décision rendue sur l’AFAC, la Cour suprême n’a pas été convaincue que les intérêts des femmes autochtones méritaient un traitement particulier. Le tribunal n’a pas non plus été convaincu que l’Assemblée des Premières Nations faisait preuve de sexisme. Le tribunal n’a pas tenu compte de la nature intersectionnelle de la sous-représentation des femmes autochtones et des Autochtones hors réserve. Notre recherche vise à jeter les bases d’une analyse intersectionnelle et d’augmenter la capacité représentationnelle et l’expertise des femmes autochtones vivant en milieu urbain, ainsi qu’à faire ressortir le rôle des structures de gouvernance mises en place par la Loi sur les Indiens et comment elles contribuent à la sous-représentation des femmes.
Méthodologie :
Notre recherche sera menée en fonction du paradigme de l’intersectionnalité des droits de la personne (Dekha : 2004; Borrows : 2013). Le traitement sociojuridique défavorable des femmes autochtones hors réserve comprend certaines réalités distinctes de celles des autres femmes ou des autres Autochtones. En même temps, ces intersections ont également donné naissance à une capacité et à une expérience en défense des droits et au leadership assumé par des femmes autochtones. La recherche proposée s’articulera en trois parties : elle examinera la doctrine de la jurisprudence portant sur la section 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 et sur l’égalité des sexes, en particulier la décision rendue par la Cour suprême dans la cause de l’Association des femmes autochtones du Canada c. le Canada [1994] 3 RCS 627 et le lien qu’elle peut avoir avec l’obligation à consulter; elle procédera à une analyse différentielle de la variable sexuelle sur la reconnaissance des droits des Autochtones et des droits issus des traités, qui avantagent les hommes autochtones ou leurs descendants; elle ébauchera une proposition pour que les obligations procédurales recouvrent les droits des Autochtones et les droits issus des traités en ce qui a trait aux droits socioéconomiques, culturels et linguistiques.
En plus de poursuivre notre étude de cas et notre recherche juridique dans un cadre universitaire, nous mènerons des entrevues avec des femmes leaders au sein de collectivités et d’organismes autochtones. Elles seront invitées à identifier et à décrire des secteurs prioritaires pour les femmes autochtones et pour les Autochtones descendants de la ligne maternelle. Puis, nous leur demanderons conseil pour défendre les intérêts des femmes autochtones vivant en milieu urbain. Finalement, nous documenterons la capacité consultative des femmes autochtones en milieu urbain, les besoins de ces dernières et leurs porte-paroles.
Collaborateurs et coéquipiers :
Conseil des peuples autochtones du Nouveau-Brunswick
Imelda Perley (Aînée)
Responsable principale :
Dre Jula Hughes, Faculté de droit d’UNB [email protected]
Roy Stewart, doctorant en jurisprudence, Faculté de droit, UNB